J’ai la chance de pouvoir dire que j'ai été heureuse toute ma vie. C’est sans doute pour cela que je consacre une partie de mon argent et de ma vie à celles qui ne l’ont pas eue. Mais revenons aux origines.

Je suis l’aînée d’une famille de cinq enfants, trois filles et deux garçons. Notre enfance a été choyée et heureuse. Nous vivions à San Francisco parce que mes parents en ont toujours apprécié l’histoire et la culture. Nous n’avons jamais manqué de rien, bien au contraire : vacances à Aspen et Saint-Bart tous les ans, écoles privées de luxe et études supérieures dans les universités de la Ligue… Pour autant, nous n’avons pas été élevés dans un cocon, nos parents nous ont fait découvrir le monde, autant ses merveilles que ses misères dès notre plus jeune âge, et nous avons toujours été libres de nos loisirs et de nos fréquentations.

J’ai choisi une carrière dans les affaires. Non pas pour suivre les traces de mon père quoiqu’il soit lui aussi dans les affaires mais parce que cette voie lui a permis de nous offrir une vie rêvée tout en apportant son soutien à bon nombre d’associations. C’est cette voie-là que je souhaitais suivre. Je n’envisage pas de vivre ma vie dans le luxe en ignorant que c’est loin d’être le cas de tous en ce monde. J’ai donc fait des études d’économie, de gestion et de droit des affaires et je suis aujourd’hui à la tête d’un conglomérat de plusieurs milliards pour lequel je m’efforce de déléguer au maximum car ma vie n’est pas là.

En effet, il y a bientôt vingt ans, j’ai dépensé l’argent mis de côté par nos parents pour débuter notre vie adulte à la création d’une association qui me tenait à cœur, la Women Freedom and Care. Loin de m’en vouloir, je crois avoir rarement vu mes parents plus fiers de moi que ce jour-là, et pourtant ils n’ont jamais manqué de nous encourager tout au long de nos jeunes années. Je l’ai créée à Los Angeles, une ville à la fois pas trop éloignée de ma famille mais nécessitant plus, à mes yeux, les services d’une association comme la WFC que San Francisco. C’est mon premier bébé, je l’ai aidée à grandir au fur et à mesure que mes revenus me le permettaient. Elle occupe désormais tout un building, accueillant une section d’aide sociale, une aile médicale, des psychologues spécialisées, des groupes d’entraide pour les femmes battues, violées, dépendantes… et des logements pour recueillir les femmes ayant fui leurs maris violents, avec ou sans enfants.

Je finis avec le plus important, l’essentiel, l’oxygène qui me fait vivre chaque jour, ma famille. J’ai rencontré l’amour il y a bientôt vingt ans aussi. Je cherchais une directrice pour la WFC, elle s’est présentée et le coup de foudre a été immédiat, pour l'association comme pour nous. Nous avons patienté six longues semaines pour nous marier parce qu’il était hors de question pour nos mères que ce ne soit pas une grande fête de famille. "Le bonheur, ça se partage, les chéries". Nous avons bien retenu le conseil et le partageons aujourd'hui à six, avec nos quatre petites merveilles. La plus âgée a quinze ans, le plus jeune quatre. Ce n’est pas simple tous les jours mais ce n’est jamais triste.