Je suis née à Melbourne, en Australie. Je ne sais pas qui sont mes parents et ne le saurai sans doute jamais. On m’a trouvée durant une descente dans un squat des bas quartiers. D’après ce que l’officier qui m’a trouvée m’a raconté plus tard, j’étais bien nourrie et avec des vêtements propres. Cela l’avait frappé dans cet environnement. Mais il a eu beau questionner tous ceux qu’ils avaient arrêtés ce jour-là, personne ne semblait me connaître ni savoir qui pouvait être mes parents. Personne non plus n’est venu déclarer un bébé disparu dans les semaines qui ont suivies. J’ai donc fini à l’orphelinat de Melbourne.

Comme j’étais encore très jeune, j’ai rapidement été adoptée par un couple adorable qui n’avait jamais réussi à avoir d’enfant, Rose et William Duncan. Ils m’ont aimé jusqu’à la fin de leur vie. J’avais seize ans, un incendie à ravager les environs de Melbourne où nous vivions. Je dormais chez une amie, ma petite-amie en fait. Il paraît qu’ils n’ont pas souffert. Ils n’avaient personne d’autre que moi dans leur vie, ils m’ont tout laissé. J’ai demandé et obtenu mon émancipation. Je me suis trouvé un appartement en ville et j’ai poursuivi mes études.

J’ai fait médecine. Sans être asociale, j’avais peu d’amis et pas de famille, je me suis donc consacrée totalement à ma carrière. Je suis devenue l’une des plus jeunes chirurgiennes de Melbourne et je me suis spécialisée en cardiologie. Je ne vivais que pour mon travail, jusqu’à Lila…
Lilaravi accompagnait sa sœur, une de mes patientes, la première fois que je l’ai vue. Je ne crois pas aux coups de foudre, aux vies antérieures ou à tous ces trucs qui essayent d’expliquer pourquoi certaines personnes nous marquent tant dès le premier regard mais elle, si. Elle m’avait plu de suite mais j’aurais sans aucun doute ignoré cette attraction si elle ne m’avait pas poursuivie avec une obstination impressionnante mais jamais étouffante.

Nous nous sommes mariées deux ans après et j’ai vécu les trois ans de plus à ses côtés. Ce furent les plus belles années de ma vie. Elle est morte subitement, d’une malformation cardiaque. Elle souffrait de la même que sa sœur mais la sienne était restée indétectable. Un comble, pour une chirurgienne cardiaque que de perdre sa femme ainsi. La vie est d’une ironie cruelle parfois. Je n’ai pas supporté de rester là où tout me la rappelait, j’ai déménagé pour la Californie. Je vis désormais à Pasadena près de Los Angeles et je travaille à l’hôpital de Los Angeles.

J’essaye d’être fidèle à la vie qu’elle aurait voulue pour moi. Je m’efforce de ne pas consacrer tout mon temps à mon métier. Je n’ai pas encore le courage de chercher à rencontrer quelqu’une avec laquelle passer le reste de ma vie mais cela viendra.